T. Färber: Protest mit der Schreibmaschine

Cover
Titel
Protest mit der Schreibmaschine. Walter Matthias Diggelmann in den öffentlichen Debatten der 1960er- und 1970er Jahre


Autor(en)
Färber, Thomas
Erschienen
Zürich 2021: Chronos Verlag
Anzahl Seiten
646 S.
Preis
open access
von
Pierre Evéquoz

Avec l’ouvrage tiré de sa thèse de doctorat soutenue en 2017 à l’Université de Lucerne, l’historien et journaliste Thomas Färber achève un parcours de recherche entamé il y a bientôt vingt ans, consacré à l’histoire intellectuelle suisse et aux «non-conformistes» des années 1960 et 1970.1 Dans ce livre, l’auteur entend, d’une part, restituer le contexte social et culturel qui forme la toile de fond d’un «microcosme non-conformiste» (p. 10) et, d’autre part, resituer la personne de Walter Diggelmann (1927–1979), fil rouge du récit, au sein de cette nébuleuse. Car c’est une biographie de l’écrivain et journaliste zurichois que propose Färber, à partir du concept de «biographème» emprunté à Sigrid Weigel. En bref, il s’agit de remonter dans le passé d’un individu pour y recueillir les traces d’une mémoire éclatée (Splitter der Erinnerung) et ainsi mieux saisir les logiques qui orientent un individu au sein de son environnement.

La structure de l’ouvrage, articulée en trois parties, est conçue pour correspondre à cette approche, thématique et non chronologique, du genre biographique. À une courte partie introductive qui renseigne sur les principaux éléments biographiques (p. 15–51) succède la partie centrale de l’ouvrage, consacrée à cette mémoire éclatée. L’auteur reconstitue la trajectoire intellectuelle et littéraire de Diggelmann par l’analyse de 25 épisodes étalés entre 1964 et 1979 (p. 53–474). Articulé autour de quatre thématiques, le détail de ces péripéties a pour fonction d’approfondir la trajectoire de ce personnage et d’éclairer les facettes de son intervention dans le débat public. Cette section s’ouvre par «l’écrivain engagé» (p. 54–123) et se penche sur la crise que traverse le monde du livre helvétique, du Zürcher Literaturstreit de 1966 à la scission de la Société suisse des écrivains et la fondation du Groupe d’Olten en 1971. Le chapitre suivant est dédié au «patriote critique» (p. 124–221), dont la publication en 1965 de Die Hinterlassenschaft constitue le point culminant. C’est l’intellectuel engagé au nom d’une cause («anwaltschaftliche Intellektuelle») qui est ensuite étudié, ainsi que ses interventions en faveur de populations marginalisées (p. 222–325). Puis, l’auteur s’arrête sur le «non-conformiste non-conforme» (p. 326–434) que serait le personnage central de son histoire, en vue de préciser tant la genèse du terme «non-conformiste», anathème classiquement retourné en étendard, que ses rapports ambivalents avec ses homologues et le champ politique. C’est à «l’intellectuel multimédia» (p. 435–474) que s’intéresse le dernier chapitre de cette partie médiane, terme choisi pour désigner la participation précoce de Diggelmann aux médias audiovisuels. La dernière partie de l’ouvrage est divisée en deux volets: le premier consacré aux enjeux théoriques, méthodologiques et historiographiques (p. 475–506), le second aux résultats de son travail (p. 507–560). Enfin, une conclusion sous forme de bilan, qui s’interroge notamment sur le type d’intellectuel représenté par Diggelmann, clôt ce livre.

Un sentiment partagé résulte de la lecture. D’un côté, l’ouvrage offre un tableau détaillé de Diggelmann en tant qu’intellectuel engagé dans le débat public, caractérisé par la multiplicité des formes que prennent ses interventions et un parcours atypique qui en fait un individu à peu près inclassable dans le contexte des années 1960 et 1970. La partie centrale contient ainsi des descriptions minutieuses des épisodes sélectionnés par l’auteur, qui permettent de suivre pas à pas le déroulement et les enjeux des débats contemporains dans lesquels s’insère Diggelmann, tantôt élément déclencheur, tantôt commentateur. Partant, les quatre chapitres thématiques apparaissent comme les fragments d’un «patchwork» (p. 14 et 492) qui doit éclairer tant l’individu que l’environnement au sein duquel il agit.

Revers de la médaille, cette partie n’évite pas toujours l’écueil de la description qu’illustrent les très nombreuses citations et autres paraphrases. Dès lors, il est parfois ardu de faire le tri entre éléments essentiels et secondaires, ce que reflète aussi la structure d’ensemble. En reléguant les aspects théoriques et l’analyse proprement dite en fin d’ouvrage, l’auteur n’offre pas les clefs de lecture utiles pour le suivre dans sa démarche. En ce sens, les interrogations sur le type d’intellectuel qu’incarne Diggelmann paraissent comme déconnectées des parties précédentes, à plus forte raison que la plupart des travaux mobilisés ici ne sont pas utilisés ailleurs. La bibliographie, très germanophone, pose aussi question, surtout dans sa tendance à se référer à des notices de dictionnaire, au détriment de travaux scientifiques plus récents. Sur un autre plan, on peut regretter l’ampleur de certains développements, notamment quand il s’agit de déterminer si Diggelmann est ou non communiste, ce qui a pour corollaire un survol trop rapide d’autres enjeux (le rapport aux métiers d’écrivain et de journaliste ou les interdictions professionnelles, par exemple). Par son aspect très centré sur la Suisse alémanique, qui tranche de ce point de vue avec d’autres travaux récents,2 ce livre risque de laisser le public romand sur sa faim.

Somme toute, ces réserves d’ordre académique n’empêchent toutefois pas l’ouvrage de Thomas Färber, adressé à un large public intéressé, de constituer un apport important à l’histoire intellectuelle de la Suisse. Ses recherches montrent la difficulté d’appréhender un individu sur plusieurs décennies, et le caractère parfois étroit des classifications typologiques. Par la focale mise sur l’un des personnages les plus complexes de cette période, l’auteur éclaire aussi les logiques à l’origine des vifs débats de ces années, bien qu’il ne réussisse pas toujours à se détacher des événements immédiats. Richement illustré, le livre est doublé d’une version électronique dotée de liens hypertextes forts utiles pour l’accès direct au contenu de certaines sources audiovisuelles.

Anmerkung:
1 Thomas Färber, Die Schweizer Nonkonformisten der 1960er Jahre, mémoire de licence non publié, Berne 2006.
2 Hadrien Buclin, Les intellectuels de gauche. Critique et consensus dans la Suisse d’après-guerre (1945–1968), Lausanne 2019.

Zitierweise:
Evéquoz, Pierre: Rezension zu: Färber, Thomas: Protest mit der Schreibmaschine. Walter Matthias Diggelmann in den öffentlichen Debatten der 1960er- und 1970er Jahre, Zürich 2021. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte 73(3), 2023, S. 421-422. Online: <https://doi.org/10.24894/2296-6013.00134>.

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